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Les formidables effets de la résurrection sur nous

(Marc 16)

(écouter, écouter le culte, imprimer la feuille)

Pâques 2024 au temple de Cologny
prédication du pasteur Marc Pernot

De quoi parle-t-on en disant « ressusciter » ?

Le mot « ressusciter» n’existe pas dans la Bible. Ce mot est trompeur car le « re » de « ressusciter » fait penser à un retour à la vie d’une personne morte, alors que c’est d’autre chose dont il est question : il s’agit de rendre notre vie plus vivante encore. En effet, derrière cette traduction « ressusciter», il y a plusieurs verbes grecs très explicites : ἐγείρω « être éveillé», ἀνίστημι « être mis sur pieds », ou ζῳοποιεω « être vivifié». Vous savez cela.

Qu’est-ce qui se passe quand nous nous éveillons ? Avant de nous éveiller le matin nous sommes déjà complètement nous-même, endormi. En nous éveillant, cet être extraordinaire que nous sommes peut alors faire bien d’autres choses : nous pouvons observer, penser, faire des choix, pouvons entrer en relation, agir, avancer, créer des choses nouvelles. C’est nous-mêmes en plus vivant. Comment est-ce possible ? Le mot grec nous donne une piste : « être éveillé» c’est rassembler les différentes dimensions de notre être, en effet, ἐγείρω en grec vient d’ἀγορά cette place centrale où les athéniens se rassemblaient pour commercer mais aussi pour débattre et pour voter (comme en Appenzell). Être assemblé en nous-mêmes quand notre corps et ses perceptions, notre intelligence, nos sentiments et notre foi se mettent à travailler en équipe : cela fait des étincelles. L’Esprit saint est cette force qui unifie les différentes dimension de notre être.

Quant à être « vivifié» c’est une dimension supplémentaire encore : c’est quand notre vie devient source de vie. C’est ce que Jésus espère nous apporter, il explique : « Je suis venu afin que vous ayez la vie (d’abord), et que vous l’ayez en abondance (et débordement de vie). »(Jean 10:10).

Voilà le projet « résurrection ». C’est ce dont il est question dans ces récits du matin de Pâques. Et je vous propose cet exercice : entendre maintenant l’Évangile de la résurrection en relevant au passage chaque fois qu’il est question d’une personne qui s’éveille, qui se met en route, ou qui va vers une autre personne en cherchant à l’aider à être plus vivante elle-même...

Les femmes commencent à ressusciter

« Le premier jour de la semaine», « de grand matin», « au lever du soleil », les femmes se rassemblent, font un projet, elles s’élancent : elles vont acheter ce qu’il faut puis courent vers le tombeau.

Tout dans ce verset 2 nous dit un début d’éveil de ces femmes. Un début de résurrection. Elles étaient tristes d’avoir perdu un ami, elles étaient désespérées d’avoir perdu celui qu’elle pensait être source de salut, elles avaient peur des autorités ayant exécuté Jésus, et en plus elles dormaient, le corps lourd d’épuisement. C’est de ces tombeaux qu’elles s’élèvent encore en tremblant. C’est au-dessus de tout cela qu’elles se découvrent vivantes. Chacune a pu rassembler en elle-même ses forces, son attachement à Jésus, un reste d’espérance et de fidélité, elle ont cherché aussi quelques copines. Tout cela fait partie de cet « ἐγείρω » dont je vous parlais : un rassemblement de nos bonnes forces pour un éveil.

C’est un commencement de résurrection qui anime ces femmes. C’est sans doute historique : ce ne sont pas Pierre, Jacques ou Jean qui ont découvert la résurrection mais des femmes. C’est tout à fait baroque dans le contexte du machisme de l’époque.

Qu’est-ce qui a permis ce tout début de « résurrection» de ces femmes ? quelques indices dans le texte nous le suggère :

1) « Le sabbat terminé» montre qu’elles ont vécu ce temps de ressourcement essentiel dans leur religion. Cela a été pour elles une étape, une préparation. Cela les a aidé, et en même temps elles ont su en sortir pour aller plus loin : le sabbat est terminé, il s’ouvre sur autre chose. Pour nous, cela remet la religion et notre culte à leur juste place dans notre itinéraire de résurrection.

2) « Elles achètent des parfums pour embaumer le corps de Jésus» : ces épices ne serviront finalement pas, ce qui importe ici est donc plutôt l’intention de leur geste : elles sont attachées à la personne historique de Jésus, elles veulent en garder précieusement le souvenir intact, c’est pour cela qu’elles investissent et se déplacent au tombeau (littéralement « le lieu de mémoire »). C’est pour cela que les évangiles ont été rédigés, c’est pour cela que nous les méditons, et c’est pour cela que nous nous déplaçons pour nous retrouver à quelques uns autour de ces textes. Cela aussi n’est qu’une préparation, si on en restait là nous ne trouverions qu’un tombeau fermé et vide. Mais c’est une étape.

3) Chemin faisant elles s’interrogent, se sentant incapable d’y arriver par leurs seules forces : « Qui roulera pour nous la pierre de l'entrée du tombeau ? » C’est l’essence de la prière, une forme de prière qui ne nomme Dieu que comme un « qui-donc-pour-nous, point d’interrogation ». C’est une étape supplémentaire dans leur « résurrection», au delà des doctrines prétendant détenir un savoir sur Dieu. C’est une ouverture à une force de vie qui dépasse tout nom.

4) Déjà leur yeux s’élèvent, leur regard ressuscite, se dresse au dessus de notre condition. Et hop, la lourde pierre s’efface, libérant l’entrée vers un au-delà : un ange qui leur dit « n’ayez pas peur». Dans la Bible cette expérience et ces mots désignent clairement la présence de Dieu lui-même. La peur de Dieu est un réflexe qui date des hommes préhistoriques et du tabou du totem sacré. Christ est la fin de cette peur : la terre entière est sainte, chaque jour est une Pâque, Dieu est précisément la fin de la peur et le début de la vie. Cette sordide leçon de la crainte de Dieu devrait donc être terminée depuis ce premier jour de résurrection... sauf que la peur de Dieu est pour les tyrans un moyen très efficace de manipulation.

L’ange du « n’ayez pas peur » c’est le souffle léger de l’aide bien réelle que Dieu apporte dans le secret de notre prière.

5) Les femmes découvrent alors que le Christ n’est pas qu’un souvenir du temps passé : cette phrase de l’ange est aussi un témoignage de ce qu’ont vécu les femmes dans la prière : « nous le verrons là où il nous a dit ». Elles nous invitent à écouter les paroles des évangiles comme si Christ nous y donnait rendez-vous : pour nous en inspirer pour cheminer, pour nous préparer à une étincelle de vie.

On attend alors la suite de l’histoire de ces femmes. Celle de la rencontre promise.

La suite de l’histoire reste à écrire

Fait incroyable : les manuscrits les plus anciens nous montrent que le texte original de l’Évangile selon Marc se terminait sur ces mots « Elles ne dirent rien à personne car elles avaient peur. » Pourquoi est-ce que l’Évangile se terminait ainsi ? C’est un procédé courant dans la Bible, quand un récit reste en suspens sans raconter la fin de l’histoire : c’est pour inviter le lecteur à écrire la suite avec sa propre vie. Comment écrirons nous la suite ? Qu’aurions nous fait à la place de ces femmes ? Cela nous invite à prendre leur itinéraire comme un cycle que nous pourrons pratiquer régulièrement, et voir quel pas de résurrection, aussi petit soit-il, nous sera donné. Ce qu’il sera nous appartient, à Dieu et à nous.

Entre le IIe et le IIIe siècle des finales ont été ajoutées à cette fin abrupte. Ce sont des témoignages de quelques personnes sur ce que le Christ a éveillé en eux. C’est comme un échantillon appelant notre propre expérience sur les effets de ce chemin de résurrection que le Christ nous fait vivre un pas après l’autre.

La finale courte

Elle est un enthousiasme pour l’annonce de l’Évangile comme un « n’ayez pas peur » adressé à toute personne du monde entier : avec le salut éternel proclamé sans condition. Plus personne ne devrait pouvoir menacer au nom de Dieu. Proclamer cela est la vocation reçue par cette personne qui témoigne dans cette finale. C’est son « débordement de vie ».

La finale longue

Elle est intéressante aussi : Jésus est à la fois au ciel et incarné dans notre façon d’être, à nous qui vivons avec lui. C’est assez éclairant comme façon de comprendre et de vivre aujourd’hui du Christ ressuscité. Il nous donne une force vitale. Un débordement de vie qui se voit réellement dans des actes.

Ce paroles ne sont bien entendu pas à lire au sens matériel, cela n’aurait aucun sens et serait même dangereux. Elles sont à lire au sens spirituel.

« Par mon nom, ils chasseront les démons», dit Jésus : cela encourage à lutter par la foi à libérer l’humain de tout ce qui le tire vers le bas, l’écartèle au lieu de le rassembler, tout ce qui l’endort, le fait se tourner vers la mort ou être source de mort : tout ce qui est contraire à la résurrection. Et Dieu sait qu’il y en a.

« Ils parleront des langues nouvelles» : comme dans le récit de Pentecôte, c’est parler en étant compris par les autres, au delà du langage : c’est la langue de la sincérité et du cœur, du regard, du geste, de l’attention vraie.

«Ils porteront des serpents vers le haut» : le serpent est une image des tentations de mort. Les soulever vers le haut c’est arriver à les confier au Christ, à Dieu, afin qu’ils combattent avec nous.

« S'ils boivent un breuvage mortel il ne leur fera aucun mal» : c’est faux au sens matériel, mais c’est vrai au sens spirituel : quand on se sait tenu par Dieu, le poison de l’injure, des menaces de guerres et de catastrophes, les trahisons et calomnies, les blessures mortelles ne tuent pas notre amour de la vie et des humains, au contraire.

« Ils poseront les mains sur les malades et ceux-ci seront guéris. » : poser les mains est un geste de bénédiction, c’est à dire de confiance dans l’action de Dieu pour cette personne : cela relie la personne aux humains et à Dieu, c’est la pierre roulée ouvrant sur bien des résurrections. Sur une vie qui déborde de vie au delà de toute mort.

Dieu nous garde.

Amen

pasteur Marc Pernot

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Texte Biblique

Marc 16

Lorsque le sabbat fut passé, Marie-Madeleine, Marie, mère de Jacques, et Salomé achetèrent des aromates, pour venir l'embaumer. 2Le premier jour de la semaine, elles viennent au tombeau de bon matin, au lever du soleil. 3Elles disaient entre elles : Qui roulera pour nous la pierre de l'entrée du tombeau ? 4Levant les yeux, elles voient que la pierre, qui était très grande, a été roulée.

5En entrant dans le tombeau, elles virent un jeune homme assis à droite, vêtu d'une robe blanche ; elles furent effrayées. 6Il leur dit : Ne vous effrayez pas ; vous cherchez Jésus le Nazaréen, le crucifié ; il est ressuscité (littéralement « il a été éveillé »), il n'est pas ici ; voici le lieu où on l'avait mis. 7Mais allez dire à ses disciples et à Pierre qu'il vous précède en Galilée : c'est là que vous le verrez, comme il vous l'a dit. 8Elles sortirent du tombeau et s'enfuirent tremblantes et stupéfaites. Et elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur.

Finale courte :

[9Mais elles annoncèrent brièvement aux compagnons de Pierre tout ce qu'on leur avait enjoint de dire. Après cela Jésus lui-même les envoya porter de l'Orient à l'Occident la proclamation sacrée et impérissable du salut éternel. Amen.]

Finale longue, se terminant ainsi :

[17Voici les signes qui accompagneront ceux qui deviendront croyants : par mon nom, ils chasseront les démons ; ils parleront des langues nouvelles ; 18ils saisiront des serpents ; s'ils boivent un breuvage mortel, quel qu'il soit, il ne leur fera aucun mal ; ils poseront les mains sur les malades et ceux-ci seront guéris.

19Le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et il s'assit à la droite de Dieu. 20Et ils s'en allèrent proclamer partout le message. Le Seigneur œuvrait avec eux et confirmait la Parole par les signes qui l'accompagnaient. ]